in memoriam

Déploration sur la mort de Jean Baptiste


Jean Baptiste,

il m’a souvent été donné de rendre hommage à des défunts…. s’il en est un que

j’aurais aimé ne pas avoir à rédiger c’est bien le tien ; il eût été plus dans l’ordre

des choses que les rôles soient inversés ; le destin en a décidé autrement  !

Pour rédiger j’ai souvent trempé ma plume dans l’encrier, quelquefois dans le

fiel, mais aujourd’hui ce sont mes larmes qui imprègnent le clavier,,,

Le 7 janvier 1972, ce jour où tu naquis, comment aurais je pu imaginer qu »après

la liesse de ta naissance j’aurais à connaître le déchirement de ta disparition ; te

es venu au monde avant terme, tu pars avant terme ! comment Monique, ta

maman, aurait elle pu deviner qu’après les douleurs de l’enfantement, ce garçon

qu’elle a tant chéri et protégé, la gratifierait de son trépas ; Stabat Mater…. Telle

Marie au pied de la croix elle est restée à tes côtés jusqu’à tes derniers instants : il

y a plus de douleur pour une mère de perdre son enfant que de le mettre au

monde !

un monde que tu quittes aujourd’hui et dans lequel tu peinais à trouver ta place…

ce monde qui n’a pas su t’offrir durablement la douceur que tu recherchais au

terme d’une prime enfance dorée… les bonnes fées ne manquaient pas autour de

ton berceau : une mère ô combien aimante et attentive, des grand-mères

« gâteau », une arrière grand-mère plus que bienveillante et une arrière grande-

tante littéralement asservie au moindre de tes désirs ! Non contente d’accepter, à

plus de 80 ans, de te défier au football  elle prenait grand soin de te laisser gagner

aux dominos pour éviter toute éruption colérique !

La nature de son côté t’avait doté de capacités qui t’ont permis de suivre une

scolarité avec une facilité quasi déconcertante… mais cette facilité était en fait un

faux ami ! Elle t’a privé d’un apprentissage essentiel, l’apprentissage de l’effort,

de la constance, du dépassement de soi en sachant se faire violence !

De cette période me revient une image : sur le terme d’une randonnée pédestre

avec des curistes de Bagnoles de l’Orne, tes jambes de 5 ans commençaient à

fléchir et je t’ai pris sur mes épaules pour finir le parcours… un photographe a

pris un cliché dont il a fait par la suite une carte postale ! Image pour moi très

symbolique d’une enfance heureuse dont tu n’as malheureusement pas guéri ; un

jour l’enfant doit descendre des épaules pour continuer seul son chemin et

affronter le monde des adultes ;

un monde sans pitié, un monde de compétition voire d’hostilité ; tu n’étais pas

préparé à combattre et tu as vécu comme un traumatisme cette confrontation avec

l’adversité ; il en est résulté un Jean Baptiste , écorché vif, qui a trouvé refuge

dans le repli sur soi et le virtuel des temps nouveaux (permets moi cette note

d’humour Jean Ba ; tu pars trop tôt car aujourd’hui tu pourrais faire carrière en

coach pour confinement et distanciation !) ; une langueur, un engourdissement

t’ont envahi au point de te faire douter de tes capacités , de perdre toute confiance

en toi; combien de fois n’ai je pas prié pour qu’un déclic se produise ? Mais la

régression a été inexorable et pourtant tes capacités et tes connaissances étaient

toujours là… à portée de main ; pour preuve ce coup de main que tu es venu nous

donner à la Pentecôte de l’an passé pour assurer la visite de l’Ecomusée ; visite

au terme de laquelle les gens m’ont dit « qu’est ce qu’il est gentil votre fils et

attachant » ; ces mêmes qualificatifs qu’employait il y a plus de 40ans le regretté

Raymond Deutzer : dans les Alpes Bavaroises, te voyant pester contre les

paquets de neige qui empêchaient tes skis mal fartés de glisser il te taquinait en

lançant des « il est gentil le petit Jean Baptiste » ce qui avait pour vertu de te faire

enrager !,,, dans l’hilarité générale car tout un chacun savait que derrière ces

explosions d’humeur il n’y avait pas la moindre trace de méchanceté ! sans le

moindre doute tu avais hérité de tes deux grand-pères qui étaient des hommes de

paix !

c’est ce fils gentil et attachant que la maladie est venue agresser …

tu as décliné le combat préférant partir doucement sur le Grand Chemin de

l’Au delà ; tu y retrouveras assurément ceux qui ont choyé tes jeunes années… et

si Dieu m’accorde de vous y rejoindre un jour, promis Jean Ba, je te reprendrai

sur mes épaules pour sillonner les chemins d’éternité !

A te revoir là haut Jean Ba,